La maison-mère de SFR veut vendre trois filiales à Tofane Global, une jeune entreprise française qui devient le troisième fournisseur de services inter-opérateurs derrière Vodafone et Tata Communications.
Altice continue de lâcher du lest. En difficulté depuis des mois, la maison-mère de SFR a annoncé lundi soir être entrée en négociations exclusives pour vendre trois filiales spécialisées dans le transport de minutes de trafic voix en France, au Portugal et en République dominicaine, au profit de Tofane Global, une jeune société française de 280 employés fondée l’année dernière par un ancien dirigeant d’Orange.
La transaction, qui intervient quelques jours seulement avant la présentation, ce jeudi, des résultats annuels d’Altice, permet à Patrick Drahi de montrer aux marchés qu’il exécute bien sa promesse. En novembre, après la publication de résultats trimestriels décevants qui avaient fait plonger son cours en Bourse, Altice avait en effet promis de céder des actifs « non stratégiques » pour faire baisser une dette évaluée à 50 milliards d’euros.
Un signal pour les marchés
Début décembre, le groupe avait annoncé une première transaction, avec la vente de Green.ch et Green Datacenter, deux entreprises suisses spécialisées dans la téléphonie professionnelle et la location d’infrastructures informatiques, pour un montant de 183 millions d’euros.
Encore une fois, cette nouvelle cession est trop anecdotique pour pouvoir désendetter véritablement le groupe, mais c’est un signal de plus adressé au marché. « Ce sont des activités hors du coeur de métier, sans volume, et qu’Altice aurait vendu de toute façon, juge un analyste. Altice veut rassurer sur son programme de cession. » D’autres opérations plus importantes auraient été envisagées, notamment la vente des activités d’opérateur en République Dominicaine, ainsi que la vente de tours en France et au Portugal.
Pour permettre à leurs abonnés d’appeler à l’étranger, les opérateurs télécoms passent régulièrement des contrats (annuels, trimestriels…) sur les marchés pour acheter, à prix de gros et pays par pays, des minutes de trafic voix, en fonction des besoins de leurs clients. Ce métier a traditionnellement été réalisé en interne par les opérateurs. Ces derniers fournissaient eux-mêmes le « point d’interconnexion » permettant à deux personnes de s’appeler, indépendamment de leur position dans le monde, et de leur opérateur d’origine.
Des activités non stratégiques
Malgré l’explosion des services télécoms internationaux (transport de la voix, des SMS, des données mobiles…), ce métier a perdu au fil des années son caractère stratégique. « Les marges sur ce segment ont beaucoup baissé avec le temps et la concurrence. Aujourd’hui, c’est le volume de trafic de voix qui baisse, avec les messageries comme WhatsApp. Par ailleurs, du fait de la robotisation, cela ne vaut plus la peine de mobiliser des équipes sur ces activités », explique-t-on chez Altice.
Résultat, les « services inter-opérateurs à l’international » sont aujourd’hui de plus en plus externalisés vers des prestataires comme Tofane, qui en ont fait leur activité principale. « C’est un métier de grossiste, avec d’importants effets d’échelle. Altice va obtenir des coûts de transit plus bas de notre part, puisque nous allons pouvoir les étaler sur un plus grand trafic dans le monde entier », explique aux Echos Alexandre Pébereau, le PDG de Tofane Global.
En 2017, les trois filiales d’Altice International Wholesale (SFR Carriers, Meo et Orange St Domingue) ont transporté 14 milliards de minutes de trafic voix. Tofane, de son côté, en a transporté 20 milliards. Avec 34 milliards de minutes de voix, le nouvel ensemble se hisse donc à la troisième place sur le marché, derrière les géants des télécoms Vodafone (60 milliards) et Tata Communications (autour de 40 milliards).
Deux acquisitions en une semaine
« Un an après notre démarrage, nous avons signé deux acquisitions en une semaine et nous devenons déjà le troisième fournisseur mondial. Nous créons un nouveau champion mondial dans ce métier », se félicite Alexandre Pébereau. Le 8 mars, cet ancien d’Orange avait en effet mis la main sur iBasis, une filiale du groupe néerlandais KPN et l’un des leaders dans ce domaine. L’opération avait permis à Tofane d’être présent subitement dans 16 pays, surtout aux Pays-Bas et aux Etats-Unis.
La transaction avec Altice doit encore être présentée aux instances représentatives du personnel et soumise à l’approbation des régulateurs. Si l’opération est approuvée, Tofane Global et Altice resteront partenaires : Tofane s’est en effet engagé pendant au moins 5 ans à leur fournir ses services. Après la voix, le groupe d’Alexandre Pébereau pourrait s’intéresser aux services mobiles et aux services digitaux, qui pour l’instant sont assurés par d’autres prestataires d’Altice.
Raphaël Balenieri